Agent de voyages en temps de pandémie

Je me souviens de ce matin-là, où j’ai fermé mon dernier dossier.  Après des mois de travail acharné pour régler tous mes dossiers, tantôt avec remboursements et des clients contents, tantôt avec crédits voyage et des clients compréhensifs, mais aussi ces situations avec remboursements et des clients impatients, et avec crédits-voyages et des clients qui ont pensé que je voulais personnellement me mettre leurs argents dans les poches.

J’ai aussi pendant la pandémie, été contacté par certains voyageurs « web-material » qui avaient soudainement besoin d’un agent pour les rapatrier au Canada.  Certains ont pris mes informations, obtenues après avoir passé DES HEURES à attendre en ligne pour les avoir, pour se retourner vers le web encore et procéder dans mon dos.  D’autres m’ont donné leur pleine confiance, jusqu’à ce qu’ils atterrissent sains et saufs à Montréal.  De ces derniers j’en ai fait mon affaire personnelle, comme si je détenais leur vie entre mes mains.

Depuis la pandémie, j’ai fait des erreurs de débutantes qui m’ont coûté des centaines de dollars de ma poche, à vouloir rapatrier des voyageurs qui n’étaient pas mes clients. J’ai aussi décidé d’en aider certains en leur obtenant leur billet de retour sans commission, mais plus que tout, j’ai pratiquement perdu tout mon salaire.  Oui, nous les agents de voyages ne somment payés qu’à la commission.

Depuis la pandémie, j’ai appris ce métier à la dure comme on peut dire.  J’ai aussi vécu tout plein d’émotions :  J’ai ressenti de la gratitude envers les clients qui ont reconnu mon travail, et qui m’ont offert de garder ma commission après leur remboursement.  J’ai ressenti de la colère et de l’impuissance cette fois où j’ai dû annoncer à ma jeune cliente prise en Italie que son vol avait été cancellé pour la troisième fois.  J’ai ressenti du soulagement à chaque fois qu’un client atterrissait, ou encore chaque fois qu’un dossier était réglé à la satisfaction du client.  Et finalement j’ai ressenti énormément de tristesse de voir combien les gens peuvent être individualistes au point de penser que tout leur est dû, sans penser deux minutes que nous les agents, en plus de faire du bénévolat pour les aider à régler leur dossier, nous perdons aussi la commission sur le dossier.

C’est ce dernier état d’âme qui m’a fait remettre en question mon choix de carrière de « fin de vie ».  Non, je ne suis pas en fin de vie au sens propre…  mais j’approche de ma retraite en tant que programmeur-analyste.  Devenir agent de voyage avait tout son sens pour moi, partant année après année sur la route pendant plusieurs semaines à la rencontre des gens de différents pays, à apprivoiser leur culture.  Je me voyais très bien sur la route à vivre de cette passion tout en partageant des histoires fantastiques.  Lorsque j’ai reçu le courriel m’informant que je devais renouveler ma licence, j’ai hésité.  Oui en effet, la pandémie m’a volé ma flamme.  Pour moi voyager et faire voyager, y’a absolument rien de plus beau, mais cette situation encore jamais vu m’a fait découvrir l’envers de la médaille ! Oui effectivement, j’aurais sûrement avec le temps tombé sur des dossiers un peu plus compliqués où mes clients n’auraient pas été à 100% satisfait.  Mais là hey !!  Comme on pourrait le dire…  “ the shit really did it the fan” ! On l’a jamais vu venir !

Après 8 mois depuis le début de la pandémie, le secteur du Tourisme ne s’est toujours pas remis.  Les gouvernements nous ont littéralement laisser tomber.  Plusieurs agences ont dû fermer leur porte.  Plusieurs agents se sont tout simplement enlignés vers un second choix de carrière.  Le domaine du voyage est à l’agonie. 

J’ai finalement payé ma licence.  J’ai payé ma licence parce que je refuse de baisser les bras.  Je refuse de tourner le dos à ce qui m’a fait vibrer plus que tout dans ma vie.  Nous sommes le 22 novembre 2020, et je suis dans l’avion en route vers Cancun.  Oui, j’ai un peu peur.  Non seulement du virus, mais également des pierres qui me seront jetés par ceux qui ont encore plus peur que moi.  Au moment d’écrire ces lignes, seuls mes proches sont au courant que j’ai quitté le pays.  Et si je l’ai fait, c’est pour voir de mes yeux comment les différents groupes de l’industrie ont implémenté les consignes sanitaires nécessaires à la protection des voyageurs face à la COVID19.  Vous voyez, je trouverais difficile de pouvoir parler d’un sujet auquel je n’ai pas été exposé.  Alors je me croise les doigts, et je ferai comme je le fais depuis le début.  Je vais suivre les consignes, me laver les mains et porter mon masque. 

ÇA VA BIEN ALLER !